CPF : tout comprendre sur les évolutions en cours et à venir
Le Compte Personnel de Formation (CPF) a fait régulièrement l’actualité en 2022.
Cause principale : la régulation du système par les pouvoirs publics dans un contexte de lutte anti-fraudes et d’un budget déficitaire pour la formation professionnelle.
Il reste difficile d’y voir clair sur le niveau d’avancement des différentes mesures concernant ce dispositif : lesquelles sont déjà mises en œuvre ? Lesquelles sont adoptées, mais pas encore arbitrées ? Quelles sont celles qui ne sont encore qu’une hypothèse ?
Cet article fait le point sur cette actualité riche qui risque de marquer encore l’année 2023.
La lutte anti-fraudes dans le viseur des pouvoirs publics
L’application Mon Compte Formation (MCF) avait été lancée en 2019 avec la promesse d’une formation “en 3 clics”. Malheureusement, celle-ci n’est désormais plus qu’un lointain souvenir. En effet, c’est en partie cette facilité d’usage qui a été la porte d’entrée à nombreuses arnaques. Siphonnage de compte CPF, pratiques commerciales illicites, ou encore formations fantômes ont amené les pouvoirs publics à mieux en verrouiller l’usage.
Un protocole sécurisé pour utiliser son CPF
Ainsi, depuis octobre 2022, les titulaires du CPF doivent passer par un protocole sécurisé : France Connect+. Interfacé avec MCF, celui-ci est basé sur l’identité numérique de La Poste. Ce que cela implique concrètement ? Le contrôle de la carte d’identité, sa cohérence avec une photo prise via webcam et l’envoi d’un code SMS sur son téléphone. La validation se fait actuellement dans un délai de moins d’une heure qui entérine la création du profil.
S’il a fortement freiné les arnaques, ce mécanisme a également pour effet d’allonger le parcours de vente. Une baisse significative des demandes CPF a ainsi été constatée pour son premier mois complet d’usage (- 59 % si l’on compare le mois de novembre 2022 avec novembre 2021).
Fin du démarchage commercial
Par ailleurs, un texte visant à interdire le démarchage commercial sur le CPF a été adopté le 8 décembre 2022. Cette mesure, outre le désagrément occasionné pour les particuliers, devrait aussi permettre de limiter le détournement des fonds CPF. Les amendes encourues vont de 75.000 euros pour une personne physique à 375.000 euros pour une personne morale.
La lutte anti-fraudes s’est par ailleurs matérialisée en 2022 par une première condamnation pénale d’un organisme de formation (OF) et le démantèlement de plusieurs réseaux d’arnaqueurs.
Un déréférencement pour sanctionner les offres non éligibles
De nombreux OF et offres de formations ont fait l’objet d’un déréférencement au cours de l’année 2022 sur MCF. Cette sanction peut aller jusqu’à 9 mois. Parmi les prestations visées figurent deux principales situations :
- Les formations non certifiantes, mais éligibles au CPF : ACRE (aide à la création et reprise d’entreprise), bilan de compétences ou VAE. De nombreuses offres n’ayant pas grand-chose à voir avec la finalité de ces actions spécifiques ont ainsi été retirées de la plateforme.
- Les réseaux de certificateurs : la possibilité d’habiliter des OF pour former et/ou évaluer en tant que certificateur a permis de créer des réseaux importants comptant plusieurs dizaines, voire centaines d’OF. Certains d’entre eux ont connu des dérives, avec des partenaires proposant des offres sans rapport avec le référentiel de compétences de la certification.
L’épineux problème du financement de la formation professionnelle
Depuis son lancement en 2019, France compétences connaît un budget structurellement déficitaire. Ce décalage entre ses ressources et ses dépenses s’explique simplement. Il est lié au poids important de deux dispositifs phares qui ont connu une forte croissance ces dernières années :
- L’alternance (près de deux tiers du budget)
- Le CPF (environ 15 % du budget)
Si le déficit est attendu aux alentours de 2,1 milliards en 2023 (en baisse par rapport aux premières années d’activité),c’est la ligne budgétaire du CPF qui fait les frais de ce souci d’économie. Les dépenses estimées pour 2023 s’élèvent ainsi à 2,375 milliards d’euros en 2023 contre 2,6 milliards de prévisionnels en 2022.
Cette baisse attendue anticipe les effets combinés des mesures de régulation en cours sur la demande (celle des titulaires d’un compte CPF) et sur l’offre (les OF et formations présents sur MCF).
Les mesures de régulation de l’offre
Outre la fin du démarchage commercial, plusieurs autres mesures ont vocation à réguler l’offre de formation sur MCF. L’objectif est clair : limiter le nombre d’OF présents sur la plateforme tout en augmentant la qualité des prestations proposées.
Une nouvelle procédure de référencement
Les OF respectant les critères d’éligibilité pour proposer une offre sur MCF doivent désormais répondre à une procédure de référencement. Il s’agit de renseigner un formulaire mis à leur disposition sur leur espace EDOF et joindre un certain nombre de pièces justificatives. Cette obligation s’ajoute à l’exigence de Qualiopi depuis le 1er janvier 2022.
Pendant la durée de l’examen des pièces (autour de 2 mois actuellement), les OF ont accès à de nombreuses ressources documentaires et webinaires. Il s’agit de les familiariser aux conditions d’éligibilité et à la future saisie de leur offre sur MCF.
La Caisse des dépôts (CDC) notifie, à l’issue de ce délai, à l’OF sa décision indiquant s’il peut intégrer la plateforme et commencer à y déposer ses offres.
Cette procédure a pour objectif d’empêcher l’accès à des OF qui ne fournissent pas de garanties de qualité suffisantes. Il permet aussi d’empêcher la création d’OF frauduleux ayant une durée de vie éclair sur la plateforme, empochant l’argent, et disparaissant aussi vite qu’ils sont apparus.
Un enregistrement des certifications professionnelles de plus en plus exigeant
La régulation de l’offre se fait également par une procédure d’enregistrement des certifications qui devient de plus en plus contraignante. Ainsi, en 2022, près de deux tiers des certifications au RNCP ont reçu un avis favorable de la part de France compétences. Ce taux n’est que de 20 % environ pour les projets visant le Répertoire Spécifique (RS). Pour rappel, cet enregistrement sur une des deux listes constitue le sésame pour proposer une offre sur la plateforme MCF.
Ces taux s’expliquent notamment par la volonté de France compétences de rehausser les exigences des dossiers qui lui sont soumis. Cela passe notamment par une meilleure justification de l’impact professionnel des certifications(insertion, mobilité professionnelle, besoin des entreprises …) ou encore le rattachement à des situations professionnelles bien identifiées. Ces exigences expliquent pourquoi les compétences transversales, visées par le RS, peinent à séduire la commission des certifications de France compétences.
L’obligation prochaine de Qualiopi pour les sous-traitants
L’amendement, adopté en décembre 2022, visait initialement à lutter contre le portage Qualiopi. En effet, ce système permet à des OF qui ne disposent pas de la certification de pouvoir proposer une offre éligible au CPF. Ce mécanisme ne donne pas toutes les garanties de qualité pour les bénéficiaires.
Toutefois, la rédaction du texte est beaucoup plus large que le seul portage Qualiopi. Il mentionne que les sous-traitants doivent répondre aux mêmes exigences que les donneurs d’ordre. Cela laisse entendre que ceux-ci devront également disposer de la certification Qualiopi pour travailler dans le cadre du CPF, et se soumettre à la même procédure de référencement. Cette formulation n’est pas sans conséquence, notamment pour les formateurs indépendants qui travaillent parfois avec plusieurs OF.
La Ministre déléguée chargée de l’enseignement et de la formation professionnels, Carole GRANJEAN, a toutefois promis une attention toute particulière pour ces publics spécifiques, qui pourraient échapper à cette obligation. Les arbitrages feront l’objet d’un décret prévu au cours du premier trimestre 2023.
La régulation de la demande via un reste à charge
Côté titulaire du CPF, la fin d’année 2022 a été marquée par l’adoption du principe d’un reste à charge. La validité de cette mesure, confirmée par le conseil constitutionnel, constitue un véritable changement de paradigme.
L’objectif est à la fois d’engager le participant dans la démarche de formation, en sollicitant de sa part un effort financier, mais également (et surtout) d’assurer la pérennité du système dont on a évoqué le déficit.
Ce reste à charge pourra prendre la forme de :
- Un forfait (ex : 200 euros)
- Un pourcentage du prix de la formation (des taux de 20 ou 30 % avaient été abordés par certaines sources en marge du dépôt de l’amendement)
Il est à noter que ce reste à charge ne sera pas demandé pour les demandeurs d’emploi et que l’employeur pourra le financer pour ses salariés.
Celui-ci pourra, par ailleurs, être payé par un tiers (des entités du type OPCO, AGEFIPH ou encore l’État lui-même).
L’ensemble des modalités de mise en œuvre seront précisées par un décret, qui devrait sortir début 2023. Toutefois, les divergences sur cette mesure au sein même de la majorité pourrait aboutir à un décret qui vide de sa substance le texte initial.
Un contexte qui pourrait favoriser le CPF co-construit
La possibilité pour l’employeur d’abonder le CPF de ses salariés est encore méconnue et peu utilisée. Ces sommes, qui peuvent être versées directement sur le compteur CPF du salarié, ne représentent qu’environ 3 % du montant total mobilisé dans le cadre du CPF depuis 2019. Toutefois, c’est un mécanisme qui progresse petit à petit au sein des entreprises.
Aussi, si les dotations représentaient un peu moins de 10 millions d’euros en décembre 2020, 63 millions avaient été versés en décembre 2021 et 238 millions fin novembre 2022 (chiffres cumulés).
Date | Nombre d’entreprises | Nombre de salariés | Montant versé (cumul) |
Fin 2020 | 1640 | 4070 | 9,7 millions € |
Fin 2021 | 6693 | 26 163 | 63 millions € |
Novembre 2022 | 10459 | 88 131 | 238 millions € |
Source : données issues de la Caisse des dépôts en Consignations (CDC)
Cette évolution progressive s’explique par le fait que la possibilité de réaliser une dotation via le système EDEF (Portail Net-entreprises) est relativement nouvelle (accessible depuis septembre 2020).
Toutefois, le mécanisme du reste à charge qui devrait s’installer en 2023 risque d’accélérer encore le rôle de l’employeur. Il y a ainsi fort à parier que de nombreuses demandes de salariés souhaitant mobiliser leur CPF arrivent sur le bureau des chefs d’entreprises et des services RH. Une façon de remettre l’employeur au centre des enjeux formations, comme cela pouvait être le cas avec le DIF avant 2015.
Source : https://www.digiformag.com/actualite
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